Français en Indonésie

Français à l’étranger au quotidien : la retraite

Français à l’étranger au quotidien : la retraite

Avec Richard Yung, ancien sénateur représentant les Français établis hors de France, et Alexis de Saint-Albin, directeur du développement international du groupe Malakoff Humanis.

Français à l’étranger : Richard Yung, combien les retraités représentent-ils de personnes parmi les Français de l’étranger ?

Richard Yung : Ils représentent un pourcentage important. Le pourcentage inverse est qu’il y a 10% de l’ensemble des retraités de France qui sont établis hors du pays. Beaucoup ont vécu à l’étranger et décident de prendre leur retraite là où ils sont. D’autres quittent la France et vont s’installer à l’étranger pour des raisons économiques et fiscales ou simplement parce que le climat est plus agréable. Il est nécessaire de s’en occuper très tôt. Quand on part à 25 ans conquérir le monde, on ne pense pas à la retraite. On ne cotise pas en pensant rattraper plus tard alors que racheter des points de retraite est très compliqué. Donc un conseil : s’en occuper dès que vous êtes établi à l’étranger.

FAE : En tant que sénateur, voyez-vous beaucoup de Français établis à l’étranger dans des situations difficiles ?

R.Y. : Oui bien sûr. On voit d’ailleurs en majorité ces Français car c’est notre métier notamment avec les problèmes de certificats de vie qui semblent être résolus aujourd’hui. Il y a le problème des Français et Françaises qui ont de toutes petites retraites. Soit parce qu’ils ont une retraite du pays national dans lequel ils sont établis qui est très faible soit parce qu’ils n’ont pas cotisé à une complémentaire, à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (Cnav) ou aux deux.

FAE : Alexis de Saint-Albin, quels sont les problèmes concrets qui se posent aux Français qui ont décidé de faire une partie de leur carrière à l’étranger une fois qu’ils veulent exercer leurs droits à la retraite ?

Alexis de Saint-Albin : Je vais dans le sens du sénateur Yung : la retraite se construit dans la durée. Je me bats aussi contre certaines idées qui veulent nous faire croire que nous n’aurons pas de retraite plus tard. Le système par répartition est un système qui fonctionne mais on ne peut obtenir une retraite en cotisant 5 ans. Le système des salariés du privé est constitué de deux blocs : le régime de base de la Sécurité sociale (Cnav) qui se calcule en nombre de trimestres cotisés et donne une retraite plafonnée et la retraite complémentaire (Agirc-Arrco) avec laquelle les cotisations se transforment en points qu’on accumule tout au long de notre carrière pour les additionner à la fin.

Quand on est expatrié au sens de la Sécurité sociale, on ne cotise plus en France mais à l’étranger. Il faut alors distinguer deux grands blocs : les pays de l’Union Européenne dans lesquels il y a des régimes de retraite obligatoires. Dans ces pays, il y a une coordination des régimes de Sécurité sociale qui fait que des périodes cotisées dans plusieurs pays de l’union vont être reconnues par les autres. Par exemple, si j’ai travaillé en Bulgarie, en Belgique, en Espagne et en France et que je fais une carrière totale au regard de la réglementation française, la Sécurité sociale française va reconnaître une durée complète. Après, chaque pays paye au prorata du temps passé selon ses propres règles. Donc au sein de l’UE, il y a moins de problèmes même si, par exemple, j’ai travaillé 25 ans dans un pays avec des niveaux de vie et des pouvoirs d’achat plus bas qu’en France, j’aurai forcément une retraite plus basse. Il faut donc se poser la question dans certains pays de l’UE : est-ce valable de cotiser au régime complémentaire ? En dehors de l’UE, certains pays (une soixantaine en comptant l’espace économique européen) ont signé des conventions avec la France. Attention, un accord ne vaut qu’entre la France et le pays signataire donc il n’y aura pas de cumul si vous allez dans un autre pays qui a un aussi un accord. S’il n’y a pas d’accord, vous aurez seulement droit au système de retraite du pays dans lequel vous êtes si vous cotisez.

R.Y. : Il est donc préférable de souscrire à une retraite complémentaire assez tôt pour que les taux soient favorables. Il y a également une règle de plafonnement du nombre de pays pour lesquels les durées sont prises en compte c’est-à-dire que, en dehors de l’UE et pays avec une convention, le plafonnement est à 2 ou 3 pays. On ne prendra donc pas en compte le temps que vous avez travaillé dans le 4ème, 5ème pays dans lequel vous avez travaillé. Ce système n’encourage donc pas vraiment les gens à bouger dans beaucoup de pays. C’est plutôt injuste d’autant plus qu’il y a des pays où le système de retraite est peu avantageux.

FAE : Quels sont ces pays ?

A.de S.-A. : Pour généraliser, il faut faire attention à tous les pays qui n’ont pas de convention avec la France. Soit la retraite n’existe pas dans ces pays, soit à des niveaux très bas, soit il n’y a pas de possibilité d’exporter cette retraite car il y a des conditions de résidence. Il peut y avoir aussi des problématiques fiscales comme aux États-Unis où, si vous faites valoir votre retraite américaine au titre de la convention franco-américaine, il n’y aura pas de problème, par contre, si vous n’utilisez pas la convention pour une raison particulière, vous serez imposé lourdement sur la retraite qui sortira. La vigilance s’impose donc dès qu’on sort de l’UE et au cas par cas. De plus, il n’y a pas que l’assurance complémentaire, on peut également cotiser au régime de base via la Caisse des Français de l’étranger (CFE) avec laquelle on accumule des trimestres comme si on était en France. Elle est facultative. La plupart du temps, cette caisse est utilisée quand il s’agit d’employeurs français qui se préoccupent de la continuité des droits de leurs salariés. Les employeurs ont des devoirs notamment d’information mais pas d’obligation de cotisation. Bien souvent, quand on a la chance de travailler à l’étranger pour le compte d’un employeur français, il continuera à cotiser via la retraite de base (CFE) et complémentaire (Agirc-Arrco) avec la caisse de retraite des expatriés du groupe Malakoff Humanis qui est désignée pour les expatriés. Elle permet d’acquérir des points de retraite comme si vous étiez en France. Attention, en France, les charges sociales sont payées entre 60 et 80% par l’employeur, le reste par le salarié. Or quand vous travaillez à l’étranger, l’employeur n’a pas d’obligation. La totalité des cotisations vous incombe et cela peut représenter des montants très élevés qui peuvent aller jusqu’à 6 000€ par an pour le régime de base et la retraite complémentaire dépend du salaire par tranche. Souvent, les gens pensent plus à leur santé en premier lieu, puis la retraite en se disant qu’ils mettront de l’argent de côté. Il faut donc faire du cas par cas car cotiser aux deux régimes n’est pas forcément possible pour tout le monde. Cela coûte cher donc, dans certains cas, il vaudrait peut-être mieux ne cotiser qu’à un régime en fonction du pays dans lequel on est, du niveau de pension versé par le pays et de la présence d’une convention avec la France ou non.

FAE : Richard Yung, les Français ont-ils souvent recours à la CFE ?

R.Y. : Je pense que non. Il y a 150 000 ou 200 000 adhérents à la CFE de manière globale surtout pour la maladie. Pour la retraite, c’est certainement beaucoup plus bas. Nous les encourageons donc à avoir recours à la CFE qui sert de chemin pour accéder à la Cnav. En général, on est obligé de cotiser dans le pays dans lequel on est quel qu’il soit. C’est une règle générale. Souvent lorsque l’on arrive au moment de la retraite, il n’y a plus de sous dans la caisse. En effet, dans plusieurs pays, les gens ont cotisé et l’argent s’est évaporé curieusement. D’où l’importance d’avoir un système complémentaire.

FAE : Les fameux certificats de vie dont vous parliez au début de l’entretien sont-ils difficiles à obtenir ?

R.Y. : Non. Cela nous a beaucoup préoccupé car le certificat de vie est quelque chose qui montre que vous êtes toujours vivant pour pouvoir vous verser une retraite. Or, il y avait quelques pays où, curieusement, les gens vivaient extrêmement longtemps. 100 ans, 120 ans. On a donc raison de vouloir se protéger contre ce type d’abus. Mais il s’agissait d’une bureaucratie incroyable : il fallait trouver le formulaire, le faire remplir et signer par le consulat ou une autorité locale, puis l’envoyer par la poste et à la Cnav. Parfois, ils se perdaient car beaucoup des pays dont on parle ont une poste qui marche plus ou moins bien. Or, si la Cnav ne reçoit pas le certificat de vie, elle coupe la retraite. Nous avions donc des personnes âgées qui n’avaient plus du tout de ressources et dépendaient de leurs 800€ par mois pour vivre. Heureusement, les différentes administrations et les complémentaires se sont mises autour de la table et il y a maintenant un accord qui permet d’accéder au formulaire en ligne et le remplir. Il faut encore le faire signer par une autorité locale et ensuite le renvoyer par mail à la Cnav. On a donc résolu ce problème d’une façon générale.